"J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, des points de départ, des sources ..."
Acrilique sur toile 2,50 X 2, 50 m
La brasserie de la rue de Belleville : Il suffit de s’asseoir là, commander un café et regarder dans le miroir comme d’autre ouvrirait un écran convaincu que déjà on allégera sa mémoire en regardant les passants... J’étais enfant, je dessinais ou faisais mes devoirs sur la table du coin. Mon grand-père m’avait appris à faire des bulles de savon et les voilà qui explosent sur le boulevard en chuchotant leurs histoires, car tout se passe toujours à voie basse, les grands cachent leurs mots aux enfants, craignant qu’ils ne grossissent : les mots.`
On fit le récit des anciens francs qui vivaient avant guerre. Je me souviens d'un Monsieur Georges buvant du Piquon bière qui m’offrait des Carambars. Je me souviens que cette année-là l’état d’urgence flottait en uniforme dans la rue étant donné qu’Alger s’était putché. Je me souviens que la serveuse me souriait en m’apportant une limonade. Je me souviens que son mari travaillait dans un fort aux halles. Je me souviens que la police mettait les gens dans des paniers à salade, tout gris et rond comme des suppositoires. Je me rappelle que l’atelier de la rue Olivier Métra faisaient coudre des machines. Quelques brides de mémoires dans le miroir encore... Des tissus que l’on caresse en écoutant le grand-père : il parle de la police qui avait pris le métro à Charonne. Il raconte que le grand miroir de la brasserie n'a pas peur des attentats, il a résisté à un obus de la grosse Berta qui blessa une chanteuse, mais ne le brisa pas.
J'écoute ces reflets qui aujoud'hui encore jouent aux résurgences. Je me rapelle très bien maintenant de George Perec évidemment, assis là, avec son Picon-Bière en train d'écrire tout ça !