Une série de silhouettes peintes d'aprés des observations à la terrasse d’un café d'une station balnéaire en fin de saison 2024.
Quelques toiles de Laurent Nicolas soulignées d'un court récit.
Ces paragraphes constituent le journal de bord d'un voleur de silhouette.
Retrouvez ici les ouvrages de Laurent Nicolas publiés sous forme de Nouvelles et de courts récits.
Lisez de larges extraits en téléchargement gratuit.
C’est infernal d’être étranger à soi, à celui qui cherche à récurer sa mémoire pour que rien n’ait plus un air de famille avec ce qui a été, et à chambouler l’échelle des valeurs, déraciner les souvenirs comme on déracine les mauvaises herbes. Jean-François Samlong
Acrilique sur toile 60F - essai.- 2024
La lumière de l’atelier est un peu floue, entre le gris d'une matinée pluvieuse et l’éclairage blafard d’une lampe électrique restée allumée depuis l’aurore. L’esquisse peinte s’évertue à se glisser dans cet univers presque impalpable, comme des galets nuageux sur une plage recouverte d’écume. Un chant d’oiseaux strident, et discontinu, une mésange sans doute, rythme la scène. Il y aura des mots murmurés, échangés par ceux qui passent, et repassent en ombres et évoquent l’histoire à peine terminée d’une série ou d’un roman. Puis la sonnerie d’un téléphone, des chiens au loin crient leur garde.
Les pinceaux trempent dans les pigments noirs et blancs, la silhouette reste seule, comme en arrêt sur image, dans l’imprécision du trait s’oppose celui des sentiments ; la nouvelle d’une visite ou de préparatifs de voyages l’accompagnant.
J’ai longtemps cru que le matin ne m’aimait pas, qu’il me délaissait encore engourdit de mes rèves pour s’occuper du monde, des autres. Je n’étais pour lui, qu’une ombre claire contournant des édifices fragiles, survolant un par un, les liens qui me retenaient à des souvenirs douloureux de la veille. Je croyais le matin ennemi du peintre. À part, sans doute, du Caravage qui fut le dompteur de la lumière de l’aube. Il est l’exception dont on fait les règles.
Aujourd’hui le matin est entré dans l’atelier comme un animal silencieux se glisse dans une maison, impatient du chant de la cafetière et de l’odeur du café. Ce matin est venu avant la froideur de la pluie tandis que je rallume le feu dans la cheminée. Une impression de déjà vu, de répétition, des dizaines de romans seront écrits pour décrire cet instant, des poèmes lus. Ce matin, alors que la maison dort encore, je suis descendu à l’atelier, ici l’alchimie des toiles blanches et de pigments odorants semble pétrifiée.
Je garderai cette aimable douleur en moi-même, j'en ferai des réserves. Alors ce matin : je vais en faire une toile…